Le serment d’hypocrite
D’abord ne pas nuire, ne pas dire, pas directement.
La vérité peut choquer, mieux vaut l’atténuer, l’emballer, l’encadrer.
Il est une opinion qui se fait évidence :
C’est elle le bon sens, la bien-pensance.
Elle est le cadre convenu de la pensée convenu, elle convient au premier con venu.
Elle écrase sous les convenances quiconque n’entre pas dans sa danse.
On opère mieux sous anesthésie, cela dit. Cela, ses apôtres l’ont bien compris.
Les cons pris au piège de sa narration n’en voient pas même ses fondations.
C’est pourtant dans ce ciment que se fondent ses nations, ses religions, l’aliénation.
Si parfois l'opinion ment, même à elle même, c’est pour de bonnes raisons : parce qu’elle a raison, parce qu’elle est raison :
« Vous n’êtes pas raisonnable ! » résonne à chacun de ses raisonnements.
À l’écouter, il n’y a plus rien à faire, à part des affaires.
Ses sbires s’affairent, ça ils savent faire.
Il s’agit d’abord de ne pas s’agiter, agir dans le passage clouté, dans le cadre assermenté, là où c’est autorisé.
Gare à qui vient briser la torpeur, gare à l’agitateur !
Celui-là questionne les valeurs, quel oiseau de malheur !
Est disqualifié d’office celui qui n’admet pas les prémisses.
Le voilà déjà coupable de tous les vices que ces prémisses établissent.
Lisses doivent être ses opposants, ou sa police les fera rentrer dans le rang.
Cette opinion a connu bien des noms et bien des visages pour perpétuer la soumission à travers les âges.
Elle n’a qu’un camp : celui des dominants.
Toujours amie de l’ordre, du moment qu’il est établi, il faudra la battre pour qu’il soit abolie.
En attendant le pouvoir a ses servants, et ils ont tous prêtés serment...
Le serment d’hypocrite.